Le gouvernement Philippe II est en place, ainsi que la nouvelle
Assemblée. Macron s’est affiché avec Merkel à Bruxelles. Est-ce le début
d’un gouvernement fort ou la poursuite des opérations de
communication ?
Au Conseil de l’Europe, Macron a fait mine de
vouloir imposer un rapport de forces, sur « l’Europe de la Défense »,
sur la directive « travailleurs détachés » et dans les rapports avec
l’Allemagne. Mais concrètement, rien n’a été décidé.
Côté
hexagonal, le remaniement ministériel imposé par les élections
législatives a failli ressembler à une grosse fuite d’eau : Sarnez,
Bayrou, Goulard et Ferrand ont été débarqués du gouvernement en raison
des enquêtes en cours contre eux. Puis Sarnez a été écartée de la
présidence du groupe Modem. Puis Stéphane Travert, ministre de
l’Agriculture, a provoqué le ministre de la Transition écologique et
solidaire Hulot sur la question de la protection des abeilles (décisive
pour la biodiversité).
Tout cela se déroule sur fond de mise en place d’une Assemblée nationale à hauts risques. D’après le Monde, un proche de Macron aurait déclaré : « On
ne connaît pas bien les députés. Entre les erreurs de casting qu’on va
découvrir rapidement, ceux qui vont goûter au pouvoir et aimer ça, ceux
qui vont vouloir se faire remarquer, il va falloir bien les encadrer
pour éviter tout problème ».
Un gouvernement aux ordres
Macron
a besoin de mettre un coup d’arrêt à ce début de désordre s’il veut
mettre en place sa politique. Le gouvernement Philippe II est donc un
« gouvernement d’experts ». Comme en Grèce en 2010 et en Italie en 2011,
il apparaît comme un gouvernement de technocrates : des membres
majoritairement inconnus de la population, recrutés pour leurs capacités
supposées à gérer des dossiers pour le compte d’une politique décidée
par en haut, et de cadres venus du privé ou de la haute administration.
D’anciennes directrices de la SNCF, d’une maison d’édition, de Danone
puis Dassault, un ancien directeur de grande école de commerce, une
ancienne PDG de la RATP... voilà un aperçu du parcours des ministres
issus de la « société civile ».
Ce gouvernement, sans tête connue,
de personnes dévouées à Macron, surtout depuis l’éviction des
dirigeants du Modem, est fait pour être obéissant. D’autant que Macron
s’est entouré de 45 conseillers à l’Élysée et a placé des conseillers à
lui dans les ministères...
L’Assemblée nationale sera elle-même
encadrée par les séminaires de la majorité, le discours annoncé de
Macron devant le Congrès à Versailles, puis celui de politique générale
du Premier ministre.
Pas de dissonances à l’Assemblée
Inutile
d’attendre de quelconques contre-pouvoirs du côté des partis
institutionnels : si le PS a décidé de ne pas voter la confiance au
gouvernement, ses députés, comme ceux des Républicains, sont en train de
se diviser entre ceux qui veulent voter pour, contre ou s’abstenir. Du
côté de Montebourg et de Hamon, si le positionnement par rapport à
Macron semble plus clair, toute leur énergie est tournée vers la
construction de leurs courants. Aucun signe qu’ils se tournent vers la
construction de mobilisations…
Quant à La France insoumise, elle semble sérieusement anesthésiée. Avec Mélenchon qui encense le « drone de conception française produit par Safran » et
qui annonce que ce seront les députés de la FI qui lanceront
l’offensive contre Macron, il faut dire que les opérations sont mal
engagées…
Et, dès qu’une voix un peu différente s’élève, elle est réprimée. Ainsi, Danièle Obono, pour avoir hésité à dire à la radio « Vive la France » (« Je peux dire “vive la France”, mais pourquoi ? Le 14 juillet ? »),
a subi un déchaînement raciste et nationaliste. Attendu au tournant,
François Ruffin, qui a annoncé qu’il ne se paierait qu’au SMIC et a
communiqué sur l’obligation du port de la cravate à l’Assemblée, est
censuré dans une chronique des Échos.
Les attaques se
poursuivent contre les syndicalistes : Gaël Quirante de Sud-PTT de
nouveau menacé de licenciement, le secrétaire du syndicat CGT PSA Poissy
poursuivi pour de prétendues violences, celles et ceux qui aident les
migrantEs condamnés...
La canicule… mais une pluie d’attaques
Une
répression abjecte s’est abattue sur les militants de Rennes dans
l’affaire du policier ayant visé une manifestation avec son flingue :
cinq peines de prison ont été prononcées, jusqu’à 16 mois, notamment
pour des refus de prélèvement ADN, en particulier pour un jeune relaxé
des accusations portées contre lui !
Cette répression a pour
objectif de nous préparer à un déferlement d’attaques. On connaît celles
contre le droit du travail, prévues par ordonnances, et le passage de
nombreuses mesures de l’état d’urgence dans la loi (voir articles en
page 4). Et après l’augmentation de la CSG, (re)voilà les privatisations, avec Bruno Le Maire qui déclare : « Nous engagerons un plan de cession de certaines participations de l’État. (…) Cela immobilise inutilement de l’argent public ».
Et le désordre autour du Bac (matières à repasser, refus d’inscription
dans les universités, tirage au sort dans certaines filières…) a pour
objectif de préparer l’opinion à la casse de ce qui reste du Bac comme
premier diplôme de l’enseignement supérieur et à la mise en place de la
sélection dans les universités.
Et bien entendu, pendant ce temps,
personne n’a pris la mesure de ce que la canicule de ces derniers jours
révèle comme danger climatique pour les prochaines décennies…
Il
est temps de lancer la contre-offensive. Les rassemblements du 19 à
l’appel du Front social et du 27 à l’appel de la CGT ont été des
premières pierres, l’heure reste à la construction d’une riposte
unitaire massive.
Antoine Larrache
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